Voilà comment ça s’est passé pour moi. Je suis né sur le tard. Ma mère devait avoir la quarantaine… en fait, c’était une ancienne bagnarde… elle avait eu des ennuis avec la justice, suffisamment pour être mêlée aux esclaves durant ses cinq ans de travaux forcés pour le bien de la communauté. Et normalement, les esclaves étaient stérilisés. Ben là, il y a eu une couille dans le gigot ou quelque chose car après quelques séances de galipettes avec l’un d’eux, ben ce qui arriva sans être prévu, ce fut un polichinelle dans le tiroir. Elle fut libérée sous caution à trois mois de grossesse. Pour des raisons médicales, bien sûr !
Et paf, je fus des chocapics au bout de six mois. Ma mère avait déjà la quarantaine et faute d’un réel emploi elle rejoignit l’entreprise de son père, de la crémation et de l’organisation d’obsèques. Selon elle, c’était un boulot qui foutait la paix. Personne ne voulait trop fréquenter les gens qui s’occupaient de la mort. Pour des raisons évidentes… enfin bref, au moins, là, personne ne nous ferait une vie en ce qui concernait le passé de ma mère.

Nous n’étions pas riches, mais ma mère avait de quoi nous fournir le strict minimum, pour elle et moi. Nous ne menions pas la grande vie, mais nous n’étions pas pour autant au ras du sol… mais nous n’étions pas très loin pour autant ? et je me souvenais qu’une fois mes leçons terminées via le terminal, j’alternais. Un jour sur deux =j’allais aider maman, et l’autre jour, j’allais jouer dehors, plutôt en solitaire, jusqu’à mes dix ans, où je trouvais l’entrée d’une cave qui menait dans les souterrains, alors là, je me mettais à y passer ma vie. En fait, les cours m’apprenaient beaucoup de choses, et ce que les cours ne m’apprenaient pas, comme les valeurs de travail, d’humanité, de compassion. Elle m’apprenait beaucoup de ce que le bagne lui avait appris, pas dans les règles du travail, mais dans la manière d’appréhender son prochain. Et ce que tout cela ne m’enseignait pas, mes balades dans les souterrains s’en chargeaient : la débrouille, la chance, le culot. La prudence aussi, comme le sens de l’orientation. Et il devint tellement normal que je disparaisse pendant plusieurs jours que ma mère ne s’inquiétait que rarement avant qu’une semaine ne se soit écoulée…

Ma vie d’une certaine manière fut sans histoire et, passé l’âge des apprentissages de base, je commençais à pleinement travailler avec le reste de la famille. Oh, je trouvais toujours un temps pour la visite des souterrains, je tachais de rester dans des limites raisonnables, pour éviter les risques de l’exposition à d’éventuelles radiations, mais du coup, je connaissais suffisamment bien les souterrains pour savoir qu’ils s’étendaient loin, très loin, et cela me serait utile plus tard ! Je vous expliquerai le moment venu.
Les uns après les autres, mon grand-père, mes oncles, ma mère, peu à peu les anciens laissaient place au nouveau. J’étais loin d’^$être chef de famille, mais plus je grandissais, plus je comprenais une chose grâce aux propos enseignés par ma mère. L’esclavage… plus je savais comment fonctionnait cette ville, plus j’en étais dégouté. Fort heureusement, après ma première prothèse, un œil tout neuf, d’autres avaient suivi, les affaires étaient de plus en plus florissantes, m’offrant de nouvelles possibilités et peu à peu, je commençais à m’acoquiner avec les réseaux souterrains, au sens figuré, certes, peu recommandables, mais pouvant me fournir certaines choses, pour agrémenter ma vie, et celle de mes proches qui désespéraient de me voir toujours célibataire, même quand j’avais passé les trente ans.

Enfin, pour le plus important je dois avancer dans le temps et de parler d’il y a cinq ans. Il y a cinq ans, quelque chose changea. Cela faisait déjà quelques années que je soutenais des réseaux clandestins pour aider les esclaves à s’échapper des dômes industriels. J’aidais les esclaves à s’intégrer en leur servant de professeurs, pour ceux qui souhaitent s’intégrer en ville. J’essayais de leur obtenir des papiers, et j’essayais aussi de leur apprendre à passer inaperçu, les cachant comme je le pouvais, dans un sous-sol aménagé.
Il y a cinq ans j’ai commencé à aider davantage, on me proposa de remplacer un de ceux qui intervenaient directement pour aider les esclaves à s’échapper. Le système était ingénieux : une bonne diversion suivie ensuite d’une perforation des murs pour que les esclaves puissent s’échapper. Oh, à force, nous en sauvions de plus en plus, mais jamais « trop » pour éviter les trop gros ennuis. Tenez, le dernier sauvetage remonte à il y a deux mois et j’y ai recueillie une esclave, qui depuis à foutu le camp… avant d’avoir d’éventuels papiers d’identité… j’espère qu’elle n’a pas trop d’ennuis…


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John Scott Barrowamn| Gregorian Steele

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